Ce marché devient un placement pour les acheteurs et, pour des vendeurs, une réponse aux besoins liés à l’allongement de la durée de la vie.
Article paru dans Le monde du mardi 4 janvier 2022. Par Isabelle Rey-Lefebvre
Le marché du viager, jusqu’ici un peu confidentiel puisque ne portant que sur 5 000 à 8 000 ventes par an, suscite, depuis trois ans, un regain d’intérêt. De nouveaux acquéreurs, particuliers et fonds d’investissement, en font désormais un véhicule de placement et d’épargne, et un nombre grandissant de vendeurs y voient une réponse à leur besoin d’argent.
« L’allongement de la durée de la vie, avec le risque de dépendance qui exige de financer des aides à domicile ou des institutions coûteuses, les montants des retraites qui baissent, le souhait d’aider ses enfants lorsqu’ils en ont besoin et de régler sa succession de son vivant, tout concourt au développement du viager, selon Vincent Illouz et Nicolas Pettex, du groupe Daniel Féau, agent immobilier spécialisé dans le haut de gamme, qui vient de créer une branche viager. Il est la solution idéale pour conserver son train de vie. »
Le viager est une vente immobilière dont le paiement du prix prend la forme du versement immédiat d’un capital, appelé « bouquet », et d’une rente servie au vendeur jusqu’à son décès. Tout est modulable de gré à gré : le bouquet peut couvrir l’ensemble du prix, donc sans rente à suivre, ou inversement ; le bien peut être vendu libre ou occupé ad vitam par le vendeur ; si le vendeur est amené à libérer le bien, par exemple pour partir en maison de retraite, la rente peut être réévaluée selon ce que prévoit le contrat…
Une fois estimé le prix de marché du logement, l’expert pratique un abattement correspondant à son occupation à venir, elle même variable selon l’espérance de vie du ou des occupants, et se réfère, pour cela, à des tables de mortalité – tel le barème viager Daubry – qui tiennent compte de l’âge, du sexe et du fait d’être seul ou en couple. Ainsi, un bel appartement à Neuilly (Hauts de Seine), propriété d’une dame de 70 ans et estimé à un peu moins de 3 millions d’euros, a été converti en un bouquet de 300 000 euros et une rente à vie de 5 000 euros par mois.
« Cette personne, qui n’a pas d’enfants, échappe, en outre, à l’impôt sur la fortune immobilière et peut envisager l’avenir en toute sérénité, car il n’y a pas de risque d’impayé de la rente : en cas de défaillance du débirentier, qui la verse, le crédit rentier, qui la touche, récupère le bien sans indemnité », argumente Reza Nakhaï, cofondateur, de Viva Viager.
Pas d’impôt sur le revenu
Côté acheteurs, de nouveaux venus, sociétés civiles immobilières ou familiales et fonds d’investissement, animent le marché. Ils sont plutôt à la recherche de biens de qualité, bien situés, si possible sans rente, ce qui élimine le risque de son paiement au delà de l’espérance de vie théorique. « L’achat de ce bien à prix décoté est une alternative à l’investissement locatif, sans besoin de trouver un locataire, sans impayé et avec l’avantage que l’occupant est attaché à son appartement et l’entretient », argumente Benjamin Mabille, gérant de la société familiale SCI Foncière Viager.
« Sur le plan fiscal, pas d’impôt sur le revenu ni de CSG, et une assiette réduite pour le calcul des droits de mutation et l’impôt sur la fortune immobilière, poursuit le gérant. Le fait de contracter plusieurs viagers permet de mutualiser les risques et, en tant qu’acheteur, nous avons, en outre, la satisfaction d’aider des seniors à rester chez eux, améliorer leurs revenus voire éviter la maison de retraite en pouvant, avec ce qu’ils perçoivent, s’offrir les services d’une aide à domicile. »
Une solution privilégiée par les investisseurs est l’achat de la seule nue propriété, sans rente, le vendeur conservant l’usufruit et se donnant la liberté d’occuper ou de louer le bien. Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété, sans frais.
Si le propriétaire en viager ne peut plus payer la rente, il peut revendre avec non seulement une plus value mécanique liée au moindre nombre d’années de paiement restant à courir, mais aussi l’éventuelle valorisation immobilière. « Les reventes de viagers représentent près de 20 % des transactions que nous réalisons, précise M. Nakhaï. Le nouvel acquéreur reprend tel quel le service de la rente, sans changer une virgule au contrat. »