Article paru dans Le Figaro Patrimoine N°3 du vendredi 4 juin 2021. Par Valérie Valin-Stein.
Les préjugés restent tenaces, mais la pratique se développe. Intéressant pour compléter sa pension de retraite ou aider ses proches.
Le viager a changé de visage et entre désormais plus facilement dans les mœurs. D’abord, vendre en viager ne signifie pas déshériter ses enfants. « Il y a quinze ans, aucune des personnes qui vendaient en viager n’avait d’héritiers directs. C’est moins vrai aujourd’hui. Pour certains, cela va leur permettre d’aider leurs enfants de leur vivant », constate Reza Nakhaï, associé fondateur de l’agence spécialisée Viva Viager. « Vous êtes libres de disposer de vos biens et vous n’avez pas à obtenir l’accord préalable de vos enfants », rappelle de son côté Sophie Richard, fondatrice du réseau Viagimmo.
Il n’y a par ailleurs pas que l’immobilier haut de gamme à pouvoir être vendu en viager. Tout bien trouve preneur, quelle que soit sa localisation. Par exemple, le fonds de la mutuelle de l’Éducation nationale, la MGEN, rachète les biens de ses adhérents à travers la France. Enfin, le viager s’humanise et perd son côté purement spéculatif. Déjà, l’acheteur ne va généralement pas attendre impatiemment la disparition du vendeur. « La plupart de mes clients s’entendent très bien. Lors de la vente d’une résidence secondaire en viager occupé, lorsque le vendeur conserve l’usage du bien, il n’est pas rare que ce dernier laisse son acheteur occuper le logement lorsqu’il est absent », témoigne Reza Nakhaï. Il existe aussi des formes de viagers dits solidaires. Ainsi, la coopérative lyonnaise Les Trois Colonnes achète en viager le logement des personnes âgées pour les aider à rester le plus longtemps possible chez elles. Pour cela, elle chapeaute les travaux d’adaptation du bien au vieillissement et assure la mise en relation avec des spécialistes du maintien à domicile. Lorsqu’il est libéré, le logement conserve une vocation sociale en étant proposé en location solidaire, en logement intergénérationnel ou en accession à la propriété.
Monétisation à la carte
La détermination de la valeur de la maison ou de l’appartement vendu en viager obéit à des règles strictes. Dans le cas d’un viager occupé (90 % des ventes), un abattement est appliqué sur la valeur vénale du bien pour tenir compte du fait que l’acheteur ne pourra pas en profiter avant le départ (en maison de retraite, par exemple) ou le décès du vendeur. « La valeur économique du droit d’usage et d’habitation (DUH) accordé au vendeur dépend de son âge et de son sexe, déterminants dans l’estimation de son espérance de vie, ainsi que de sa situation matrimoniale, explique Stanley Nahon, directeur général associé de Renée Costes Viager. Pour la calculer, les notaires et les viagéristes utilisent généralement le barème Daubry, qui fait référence en la matière. »
Une fois estimée cette valeur viagère, ses modalités de règlement sont libres. La plupart des vendeurs optent pour une répartition entre un capital (bouquet) payé au moment de la vente et une rente perçue à vie. Mais il est possible de préférer recevoir la totalité du capital (sans toucher de rente) ou l’inverse.
Prudence lors de la rédaction du compromis de vente. C’est à ce moment que sont précisés les droits et les devoirs de chacun. Il est indispensable de prévoir une revalorisation annuelle de la rente et de préciser la répartition des charges. En viager occupé, le vendeur perd le droit d’usage et d’habitation lorsqu’il n’utilise plus le bien. Il faut alors penser à déterminer les modalités de la perte de ce droit en anticipant une majoration (de 20 % à 30 % en général) de la rente. Mieux vaut, enfin, se protéger d’un éventuel défaut de paiement en insérant une clause résolutoire dite « de plein droit ».