Immobilier : vendre en viager pour monétiser son patrimoine

Apt de 105+9m² – Viager Occupé Paris 16ème

Face à une retraite peau de chagrin et à des charges qui s’accumulent, la vente en viager s’avère efficace pour améliorer ses finances. Cette transaction apporte une aisance de trésorerie salvatrice au senior qui reste dans son logement.

Article paru dans Les Échos du 11 juin 2021. Par Laurence Boccara

Avec l’allongement de la durée de la vie, certains seniors résident dans des appartements qui se sont fortement appréciés au fil des décennies. Paradoxalement, ils peuvent peiner à joindre les deux bouts face à une retraite peau de chagrin et à une inflation des charges. Pour sortir de ce cercle financier infernal, la vente en viager est une solution.

Cette transaction spécifique permet à une personne âgée de monétiser son patrimoine immobilier, à savoir sa résidence principale ou secondaire, tout en restant chez elle. Ce scénario est apprécié car l’encaissement du bouquet et des rentes viagères, améliorent considérablement le train de vie. Cette aisance de trésorerie permet de payer des dépenses en tous genres (loisirs, aide ménagère, travaux d’aménagement dans la maison).

Autre avantage : cette vente allège tous les frais inhérents à la détention immobilière. La taxe foncière et les charges de copropriété liées aux grosses réparations de l’immeuble (ou de la maison) sont entièrement prises en charge par le nouveau propriétaire. Il ne reste donc plus à l’occupant qu’à régler les charges locatives.

Comment est fixé le prix ?

La formation du prix d’un viager s’effectue de la façon suivante : la valeur vénale du bien libre est minorée d’un abattement d’occupation (ou valeur locative du bien occupé) calculé sur la base de l’espérance de vie du vendeur. A noter que l’épidémie de Covid n’a pour l’instant pas modifié les tables d’espérance de vie servant à la fixation du prix. « Il est encore trop tôt pour savoir si elles vont changer. Celles utilisées actuellement datent de 2018 », précise Reza Nakhai, associé fondateur de l’agence Viva Viager.

On pense à tort que la solution du viager est intéressante à partir de 70 ans car si on se décide trop jeune, on risque de brader son bien. Ce scénario est pourtant envisageable dès 65 ans. Certes, on vendra à un prix plus bas que si l’on a quinze ans de plus, mais on profitera aussi plus vite d’un complément de revenu assuré.

Longtemps, le viager était envisagé par les personnes sans enfant car le bien vendu avec ce dispositif sort définitivement du patrimoine et échappe donc aux héritiers. Pourtant, ces dernières années, les seniors ayant une descendance lui ont trouvé une nouvelle utilisation. C’est justement un moyen de rester autonome sans avoir à solliciter ses enfants. C’est également une solution efficace pour les soutenir financièrement.

Une fois le bouquet empoché, certaines personnes n’hésitent pas à le distribuer en partie ou en totalité en procédant à des donations en faveur des enfants ou petits enfants. En optimisant les abattements en vigueur, ce transfert de richesse aux jeunes générations est susceptible de se réaliser en franchise de droits. Inconvénients de la vente en viager : la fiscalité.

La rente viagère est taxée et le bien vendu ne sort pas totalement de l’IFI. Par ailleurs, en cas de vente d’une résidence secondaire, la taxation sur la plus-value s’applique avec les mêmes règles que s’il s’agit d’un bien libre : à savoir un taux d’imposition de 19 % plus 17,2 % de prélèvements sociaux après abattements pour durée de détention (exonération après trente ans). A la différence près que « si le bien est détenu depuis moins de trente ans, l’assiette d’imposition sera la valeur fiscale occupée, soit la valeur vénale moins l’abattement d’occupation et les abattements prévus par année de détention », précise Reza Nakhai.

Aujourd’hui, le viager se conjugue sous deux formes. La première, la plus connue, consiste boucler la transaction avec un particulier. Ce dernier paie à la signature chez le notaire le bouquet puis verse la rente viagère. La seconde, plus récente et en plein essor, consiste à céder son bien à un investisseur institutionnel (assureur, mutuelle, Caisse des dépôts).

Renoncer à la rente

« Ce dernier achète en permanence ce type de biens afin de garnir et de mutualiser un fonds collectif en viager », explique Eric Guillaume, fondateur de Virage-Viager. Moins affective, cette transaction offre une spécificité appréciée : l’achat s’effectue souvent sans rente. « Nous procédons à un paiement unique intégral sous forme de bouquet. Ainsi le vendeur perçoit tout de suite l’intégralité de son capital », explique Charlotte Evanguelidis, gérant de la SCI Silver Avenir (dans le giron du groupe Crédit Mutuel Arkéa). « Il s’agit là, d’une vente au comptant avec une réserve de droit d’usage et d’habitation », précise Eric Guillaume.

Depuis quelques années, des professionnels collectent dans le cadre de leurs contrats d’assurance-vie (Corem, Préfon, Suravenir, Apicil…) et se doivent de placer rapidement leurs liquidités. L’un des atouts de « faire affaire » avec ces interlocuteurs réside dans leur mécanique d’acquisition plutôt bien rodée. Ils se décident vite, disposent d’un notaire capable de rédiger l’acte rapidement, et surtout ils paient comptant.

« Avec ce genre d’interlocuteur, on n’a pas l’impression que quelqu’un spécule sur notre mort », avoue Mireille B. qui a vendu ainsi son quatre-pièces à Paris. « Il n’y a effectivement aucun pari morbide, ni de crainte du syndrome Jeanne Calment. En achetant plusieurs dizaines de biens, nous mutualisons ce risque. Seul le temps qui passe joue pour nous », précise Thibault Corvaisier, directeur de la gestion immobilière de la SCI Viagénérations chez Turgot AM.

Revers de la médaille : face à ce « pro », la négociation du senior est limitée. « Le prix proposé résulte d’un calcul mathématique basé sur la valeur vénale du bien, l’âge du vendeur et sur les tables de moralité », indique Thibault Corvaisier. En quelques années, la plupart des agences spécialisées en viager sont devenues pour ces fonds des « sourceurs ».

« Au cours des six derniers mois, j’ai vendu pour plus de 30 millions d’euros de biens à ces professionnels », reconnaît un expert parisien. Barnes Viager précise qu’il vend 70 % des biens qui lui sont confiés à des fonds et 30 % à des particuliers. Reste que les agents immobiliers proposeront systématiquement les deux scénarios afin que le propriétaire choisisse le plus adapté à sa situation et à ses besoins.

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