Le viager permet de monétiser son logement sans avoir à déménager. Mais ce n’est pas la seule solution.
Article paru dans Le Figaro du 13 mai 2022. Par Valérie Valin-Stein
Vous avez 65 ans ou plus, vous êtes propriétaire d’un logement dans lequel vous souhaitez rester, mais vous ne disposez pas du budget nécessaire pour vivre vos rêves, aider financièrement vos proches ou réaliser des travaux. Avez-vous pensé au viager ? Ce montage séduit un nombre croissant de seniors de tous milieux sociaux. Selon l’agence spécialisée Renée Costes, le nombre de ventes en viager progresse de 5 % par an.
Méconnu malgré ses deux cents ans d’existence et victime de préjugés tenaces – souvenez-vous du film du même nom – le viager est pourtant un excellent moyen de percevoir des revenus réguliers et sécurisés. La perception du prix de vente se fait en deux temps : le jour de la signature chez le notaire vous percevez un capital (appelé « bouquet »). Puis, jusqu’à votre décès, une rente vous est versée par l’acheteur. Plus de 90 % des vendeurs optent pour un viager dit occupé et conservent ainsi un droit d’usage et d’habitation.
Attention, dès lors que vous quittez votre logement (pour partir en maison de retraite, par exemple), vous perdez ce droit. Votre acheteur récupère alors la pleine propriété du bien qu’il peut habiter, louer ou vendre. Vous percevez, en contrepartie de cette libération anticipée, une rente majorée d’environ 30 %. « Les conditions de renonciation pour libération anticipée doivent impérativement être rédigées dans le contrat de vente afin d’éviter toute ambiguïté », précise Stanley Nahon, directeur général de Renée Costes. À noter: si votre acheteur décède avant vous, c’est à ses héritiers qu’incombera de verser la rente.
Se prémunir
Pour déterminer la valeur d’un viager, plusieurs critères sont pris en compte: la valeur vénale du bien (ce qu’il vaudrait s’il était mis sur le marché), le statut du viager (libre ou occupé) et votre espérance de vie, estimée grâce à des barèmes spécifiques. La valeur trouvée est répartie entre un bouquet et une rente. « Par exemple, un bien de 450.000 € occupé par un couple de 75 ans pourra donner lieu au versement d’un bouquet de 80.000 € assorti d’une rente mensuelle de 712 €. En viager libre, la rente serait portée à 1955 €, explique Sophie Richard, fondatrice de Viagimmo, un réseau immobilier d’une trentaine d’agences spécialisées. Mais si le couple était âgé de 80 ans, il percevrait 80.000 € de bouquet et une rente mensuelle de 1060 €, atteignant 2368 € en viager
libre. » La ventilation entre bouquet et rente variera en fonction de vos objectifs. Si vous souhaitez aider financièrement vos enfants ou réaliser des travaux, vous préférerez un bouquet élevé ; a contrario, si votre priorité est la perception de revenus, vous opterez pour un bouquet moindre et une rente plus importante.
Même si c’est rarissime, pour vous prémunir contre une éventuelle défaillance de votre acheteur, il est recommandé d’insérer une clause résolutoire qui annulera la vente en cas de non-paiement de la rente. Mais vous conserverez toutes les sommes (bouquet et rentes) déjà versées. Vous pouvez aussi inscrire un « privilège vendeur » qui vous permettra, en cas d’impayés et de saisie du bien, d’obtenir le remboursement des sommes dues avant les autres créanciers. Enfin, n’oubliez pas de prévoir une indexation de la rente et, si vous êtes en couple, la réversion de la totalité de la rente au conjoint survivant. Pour rédiger le contrat de vente, appuyez-vous sur un professionnel du viager (agent immobilier spécialisé ou notaire).
L’option démembrement
Cette formule est proposée par des fonds qui investissent eux-mêmes en viager (ViaGénérations…) et par certains agents immobiliers haut de gamme (Barnes et Féau, notamment). Vous percevez alors l’intégralité du prix de vente, calculé de la même façon que pour un viager. Charge à vous de placer cette somme pour en tirer des revenus complémentaires. Sécurisant (vous n’avez pas à craindre le non-paiement de la rente), ce viager sans rente repose sur un démembrement de propriété. Votre acheteur est nu-propriétaire et vous, usufruitier. Vous détenez un droit immobilier réel que vous pouvez vendre (après accord du nu-propriétaire) et qui vous laisse la liberté de mettre votre logement en location. Mais l’acheteur y trouve aussi un intérêt.
« Il est plus facile de financer une nue-propriété qu’un viager, expliquent Vincent Illouz et Nicolas Pettex, du groupe Féau. De plus, percevoir une somme d’argent importante permet aux vendeurs d’aider leurs proches, mais aussi de se faire plaisir. Aujourd’hui, les seniors ont énormément de projets. » À l’instar de ce couple d’octogénaires qui a vendu pour 2,4 millions d’euros la nue-propriété de son appartement du quartier des Invalides à Paris. Après avoir fait des donations à ses trois enfants et petits-enfants, il a conservé 1,5 million d’euros pour s’adonner à son hobby : parcourir les mers sur des voiliers de luxe !
Outre la perception d’un capital, la vente en viager avec ou sans rente vous libère de la plupart des frais liés à la possession d’un immeuble. Si le bien vendu est votre résidence principale, vous êtes exonéré de taxation sur les plus-values. La rente viagère est certes imposable, mais après application d’un abattement de 70 % si vous avez plus de 70 ans. Vous ne serez pas taxé à l’impôt sur la fortune immobilière dans le cadre du viager et, en tant qu’usufruitier, vous bénéficierez d’un abattement variable en fonction de votre âge. Quant à la répartition des charges, elle s’avère plus favorable dans un viager qu’un démembrement. « En viager, le vendeur ne supporte que les taxes d’habitation et d’enlèvement des ordures ménagères ainsi que les réparations courantes. Alors que l’usufruitier s’acquitte de l’intégralité des dépenses, hors taxe foncière et gros travaux figurant à l’article 606 du code civil », précise Reza Nakhai, fondateur de l’agence spécialisée Viva Viager.